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ASPIRINE ET GROSSESSE.

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ASPIRINE ET GROSSESSE. Empty ASPIRINE ET GROSSESSE.

Message  SFM Samirays Ven 17 Fév - 23:38

L'aspirine a t-il encore ses indications durant la grossesse?
Différentes études récentes ont remis en question l’intérêt de l’aspirine en tant que moyen de prévention de la survenue d’une pré-éclampsie, d’un retard de croissance intra-utérin ou plus généralement de complications vasculaires au cours de la grossesse.
Les trois publications les plus récentes qui vont dans ce sens sont l’une de l’équipe de Sibaï aux Etats-Unis et les deux autres à partir d’essais thérapeutiques prospectifs réalisés en Amérique Centrale.
Ces trois essais concernent a priori des populations tout à fait différentes puisque le premier concerne une population réputée à haut risque et les deux autres des populations à bas risque.
L’essai n° 1 concerne des patientes ayant un diabète gestationnel près gravidique traité par de l’Insuline ou une hypertension chronique ou des patientes présentant une grossesse multiple.
Dans les deux autres essais, les populations sont à bas risque : primipares pour l’une et population générale pour l’autre.
Ces trois essais n’ayant abouti à aucune différence significative entre le groupe traité par Aspirine et le groupe placebo, les auteurs concluent que l’Aspirine n’a aucun effet préventif et évoquent à l’origine des premiers résultats "positifs" des causes d’ordre statistique.
En particulier, ils suggèrent que la plupart des essais ayant abouti à des résultats significatifs concernaient des populations réduites alors que les essais réalisés sur de plus grandes populations tel que l’essai Clasp ne montraient aucune différence.
Ces arguments sont en fait simplistes, réducteurs, et ignorent (volontairement ?) des différences majeures entre les essais ayant démontré une efficacité de l’Aspirine et ceux où ce produit est inefficace .

Nous passerons en revue les principales différences et nous essaierons d’en tirer quelques commentaires pour la conduite pratique actuelle.
Rappelons d’abord que les deux essais publiés initialement par notre groupe concernait des patientes non seulement à haut risque de pré-éclampsie mais également et surtout de patientes à haut risque de retard de croissance intra-utérin du fait d’une ou plusieurs grossesses antérieures compliquées elles-mêmes de retard de croissance intra-utérin. Ces groupes étaient de plus très homogènes quant au risque de type vasculaire.

Le degré de risque est un élément extrêmement important puisque si l’on reprend l’ensemble des résultats de l’étude Epreda, on note que si l’on stratifie ces résultats selon l’intensité du risque lié au nombre d’antécédents de retard de croissance intra-utérin, la différence n’était pas significative pour le groupe ayant un antécédent (risque faible ou moyen) alors qu’elle devenait fortement significative pour le groupe ayant deux antécédents ou plus de retard de croissance intra-utérin.
Un autre élément vient témoigner de l’intensité du risque, c’est le poids fœtal moyen dans le groupe placebo. Notons que dans la plupart des essais ayant démontré une efficacité de l’Aspirine, le poids moyen du groupe placebo est inférieur à 2600 g, alors que dans la plupart des essais n’ayant montré aucune différence, le poids moyen du groupe placebo se situe entre 2900 et 3100 g.

C’est dire que le gain espéré qui se situait selon notre étude à environ 300 g a fort peu de chance d’être observé dans un groupe présentant d’ores et déjà un poids moyen fœtal normal.

Lorsque l’étude de Sibaï évoque le haut risque en parlant d’hypertension artérielle chronique, on sait la difficulté de définition de ce groupe de patientes, et il est probable qu’un certain nombre de patientes dans ce groupe avaient une hypertension chronique très modérée. D’autres différences existent entre les essais montrant ou non une différence concernant l’Aspirine, il s’agit :
de la dose d’Aspirine utilisée
du terme où le traitement est initié
Pour résumer de façon simple ces éléments, rappelons que si dans les essais initiaux de notre groupe la dose d’Aspirine quotidienne était de 150 mg, elle est dans la plupart des autres essais inférieure à 75 mg se situant à 60 ou même 50 mg/jour pour certains.
Pour évaluer l’effet de la dose utilisée, on dispose de deux arguments :
- Dans la méta-analyse de Leitich le regroupement des études selon la dose utilisée montre que les différences les plus significatives sont observées lorsque la dose est supérieure à 75 mg/jour.
Dans notre groupe nous avons repris une série de 185 patientes ayant reçu de l’Aspirine et ayant présenté dans 1/3 des cas une récidive d’accident de type vasculaire (RCIU, HRP, Pré-éclampsie). Nous avons étudié sur un mode multiparamétrique l’impact des différents facteurs sur la survenue ou non d’un échec du traitement. Parmi les facteurs les plus significatifs, nous retrouvons la précocité du traitement sur laquelle nous reviendrons et l’impact du traitement sur le temps de saignement des patientes.
Il existe une corrélation entre l’efficacité du traitement et l’existence ou non d’une modification significative du temps de saignement. Il est aisé d’imaginer que des doses très faibles d’Aspirine puissent chez un nombre élevé de patientes n’avoir aucun impact sur le plan de la coagulation (ce qui est l’effet attendu) et se comporter de façon ainsi quasi homéopathique.
Le second élément important est le terme de début de traitement. Lorsque l’on veut se souvenir que l’essentiel des anomalies de la placentation à l’origine de ces complications vasculaires survient à des termes précoces, en particulier lors de la seconde invasion trophoblastique terminée vers 18 ou 20 semaines, il est clair que les traitements initiés jusqu'à 32 semaines n’ont que peu de chances d’avoir la moindre efficacité. La plupart des essais n’ayant montré aucune différence, autorise l’inclusion et le traitement des patientes jusqu’à 32 semaines. L’essai de Sibaï comporte des inclusions jusqu’à 26 semaines. Si l’on se souvient que dans notre essai, les inclusions se situaient pour la plupart entre 14 et 16 semaines, il s’agit là probablement également d’un facteur important de différence.
Pour résumer on pourrait dire que les arguments avancés par ces essais sont peu recevables car il s’agit de patientes correspondant :
à des groupes hétérogènes et parfois à très faibles risques
recevant assez tardivement en cours de la grossesse des doses (trop ?) faibles d’Aspirine
En conclusion peut-on aujourd’hui faire certaines recommandations.
L’analyse dont on dispose et l’étude critique de ces différents résultats concernant l’ensemble de la littérature nous amènent à considérer que les remarques suivantes peuvent être appliquées à l’utilisation actuelle de l’Aspirine :

- LAspirine est probablement efficace même si çà n’est que partiellement sur le risque de récidive de pré-éclampsie sévère ou de retard de croissance intra-utérin chez les patientes ayant un ou fortiori plusieurs antécédents de ce type.
La prescription d’Aspirine doit obéir aux recommandations habituelles :absence de contre-indications,
vérification du temps de saignement avant prescription,
vérification du temps de saignement après 15 jours de prescription d’Aspirine,
arrêt si possible à 35 semaines, surveillance des patientes et des nouveaux-nés..
La dose standard à utiliser se situe aux alentours de 100 mg/24 h et peut être modulée en fonction d’une part du poids de la patiente et d’autre part des résultats des temps de saignement.
A l’inverse, la prescription d’Aspirine ne paraît pas utile chez l’ensemble des primipares, ni chez certaines patientes présentant certains facteurs tels qu’un diabète, une hypertension chronique, ou une grossesse multiple.
Rappelons que des résultats encourageants ont été observés dans l’utilisation de l’Aspirine chez les patientes présentant un doppler utérin pathologique. En ce qui concerne cette indication l’attente des résultats de deux vastes essais en cours en France (essai Erasme et essai Seine Saint Denis) viendra renforcer ou non cette impression.
Rappelons que l’utilisation d’Aspirine est considérée comme légitime chez les patientes présentant une maladie auto-immune, en particulier chez celles présentant un syndrome des anti-phospholipides.
Enfin il nous faut signaler certaines pistes thérapeutiques extrêmement intéressantes, actuellement testées :
* L’utilisation combinée d’Aspirine et de Kétansérine
* L’utilisation combinée d’Aspirine et de Calciparine
* L’utilisation combinée d’Aspirine et de donneur de NO
* Enfin dans les situations de fausse couche à répétition ou dans certains "échecs" de l’Aspirine et comme cela a déjà été testé pour les FIV l’utilisation pré-conceptionnelle semble logique.

SFM Samirays
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